top of page

Résumés

 

Répétition et développement des figures introductives

Christophe Lenoir, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle

 

Quand on compare les séries pour enfants aux programmes pour adultes, la durée des éléments répétés d’un épisode à l’autre (générique, scènes introductives, séquences de présentation des personnages ou du monde de l’histoire) est particulièrement frappante ; elle peut représenter 1/3 de la durée d’une série pour très jeunes enfants.Dans Goldorak, ces éléments itératifs contribuent certainement au plaisir du programme, en permettant au jeune spectateur d’anticiper certaines actions : par exemple, quelle route va prendre Goldorak pour sortir de sa base, quels engins vont être utilisés, quelle type de robot il faudra affronter, quelles armes il va employer. D’autres éléments sont purement répétitifs, comme la course et la métamorphose d’Actarus, ou le transfert et le largage depuis la soucoupe, mais participent aussi au plaisir rituel de l’attente et de la reconnaissance de ces séquences. Ces aspects, comme le double retournement d’Actarus lors de son transfert, ont pu donner lieu à toute une surenchère d’interprétations, qui iraient d’une forme de métaphore foetale, à l’intégration de codes culturels liés à la civilisation japonaise. Or, on retrouve des séquences comparables de transfert ritualisé des personnages vers leurs vaisseaux dans la série Thunderbirds (S. et G. Anderson, 1966), dont l’économie intègre aussi, dès sa conception, des produits dérivés, sous forme de jouets reproduisant les véhicules utilisés par les personnages de la série. Ces séquences contribueraient donc à la mise en phase (au sens de Roger Odin) qui permet aux jeunes spectateurs de rentrer dans la série, et facilitent la conjonction des espaces afférents de communication. Les jeux de rôles, créés par les enfants à partir de ces programmes, ou les jouets dérivés, n’en seraient donc pas que des conséquences secondaires, mais bien le coeur de leur principe de fonctionnement : une forme d’initiation à ce qu’est une fiction, par l’expérience réitérée du plaisir de la transition vers un monde fictionnel, codé et ritualisé.

 

 

Plaidoyer pour une « musique débile »

Florian Guilloux, Université Paris-Sorbonne

 

Tout spectateur prêtant un minimum d’attention à la musique de Goldorak ne pourra qu’être frappé voire choqué par certains choix opérés au montage. Les morceaux sont fréquemment saucissonnés, bouclés, enchaînés entre eux violemment ou mixés sans aucune logique musicale.

Pour le musicologue Kentaro Imada, ce traitement ne relève pas seulement d’un pragmatisme économique, il s’inscrit aussi dans une longue tradition d’accompagnement musical, le gekiban. Réexaminer la bande-son sous cet angle nous semble d’autant plus important que la VF – seule référence pendant longtemps – supprime certains effets rhétoriques originaux en modifiant le montage musical. Notre communication s’attachera à reconsidérer à la fois le rôle – sous-estimé – de la musique et la musique elle-même. Constamment renouvelée par le montage, elle s’ajoute à l’ « incessant souci plastique » décrit par Jacques Aumont pour donner aux moments rituels toute leur force. L’apparente évidence de cette fonction rituelle a pu conduire certains auteurs à des propos qui méritent d’être nuancés. Une analyse du film Uchū Enban Daisensō, considéré comme l’épisode pilote du futur Goldorak, nous permettra par ailleurs d’apprécier plus justement le travail du compositeur Shunsuke Kikuchi. La musique, conçue pour l’image – et probablement après elle –, y conserve son intégrité. Sa réutilisation dans la série, où le senkyokuka (directeur musical) exerce une autorité bien supérieure à celle du compositeur, lui confère une toute autre valeur.

 

 

Goldorak dans les pas de Godzilla ? L’occidentalisation des productions japonaises comme amplificateur de leur diffusion internationale

Jean-Etienne Pieri, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle

 

Si Goldorak fut le premier anime à rencontrer en Occident un succès important, c’est sans doute notamment en raison de la manière dont cette production intègre dans son intrigue des éléments provenant de la culture occidentale. Le décor du ranch du Bouleau blanc permet ainsi d’introduire dans la série des éléments propres au genre du western, tandis que le parcours d’Actarus n’est pas sans faire écho à celui du plus célèbre des super-héros américains, Superman. Cette communication se proposera donc d’étudier l’utilisation que la série fait de tels emprunts à la culture populaire occidentale. Si Goldorak doit une partie de son esthétique à certains films d’Ishiro Honda (comme Prisonnières des martiens [1957]), la série s’inscrit également dans la continuité des films d’Honda sur le plan de l’intégration d’éléments américains, destinés à faciliter leur diffusion internationale (après la distribution aux États-Unis de Godzilla [1954] dans une version comportant des scènes additionnelles avec Raymond Burr, plusieurs des films ultérieurs d’Honda mirent ainsi en scène des acteurs américains comme Nick Adams ou Russ Tamblyn). Nous envisagerons enfin la manière dont les emprunts de Goldorak à la culture populaire occidentale, et son succès au-delà des frontières du Japon, ont pu influencer des anime immédiatement postérieurs, comme Capitaine Flam (1978-1979), adapté d’une série de romans de l’Américain Edmond Hamilton, ou Cobra (1982-1983), dont le point de départ reprend celui d’une nouvelle de Philip K. Dick, et dont le protagoniste s’inspire du physique et de la persona de Jean-Paul Belmondo.

 

 

La question du traumatisme nucléaire et environnemental dans Goldorak

Jean Du Verger, Université de Besançon

 

Si le ciel « garde encore la trace du prince Actarus… », le Japon porte encore en lui la marque indélébile du traumatisme de Hiroshima et Nagasaki. Je tenterai à travers cette étude de comparer l’anime UFO Robot Grandizer à la série emblématique des Godzilla, afin de montrer la manière dont le traumatisme nucléaire a profondément marqué la culture populaire japonaise moderne. J’insisterai notamment sur les rapports intertextuels ainsi que sur les échos visuels qui existent entre les deux séries. En outre, la catastrophe atomique fait entrer de facto la question écologique et environnementale au cœur de la thématique de l’anime et de la saga cinématographique du kaijū. En effet, la question écocritique s’inscrit en filigrane dans bon nombre d’anime, de films d’animation, comme Princesse Mononoké (1997) de Hayao Miyazaki, ou bien de séries télévisées japonaises telles que Spectreman (1971) ou Bioman (1984).. Cette mise en danger de l’environnement terrestre révèle aussi, comme j’espère le démontrer, la destruction du tissu social traditionnel. Goldorak donne ainsi à voir un monde constamment au bord de l’abîme, dont l’environnement naturel est à la merci d’envahisseurs venus de l’espace. Toutefois, l’Autre n’est peut-être pas celui que l’on croit et la folie destructrice qui anime les forces maléfiques de Véga, incarnées notamment par sa garde prétorienne (la division ruine), s’apparente à une sorte de miroir. Un miroir qui s’ingénie à nous renvoyer le reflet de la face cachée et sombre de notre propre humanité. Mon étude s’appuiera en grande partie sur l’analyse des épisodes qui composent la première saison du mecha ainsi que sur le réseau de références littéraires  cinématographiques et télévisuelles qui les ponctuent.

 

 

Goldorak à Auschwitz : vers une représentation multidirectionnelle du traumatisme génocidaire

Nathalie Ségeral, Université d’Hawaï

 

Cette communication se propose d’examiner les techniques narratives mises en œuvre dans Goldorak dans ses rapports à l’histoire, afin d’en démontrer le caractère avant-gardiste, en ce qu’il met en scène une approche multidirectionnelle de la mémoire et du traumatisme, notamment à travers l’esthétique de la spectralité et du double – figures centrales des récits de survivants de la Shoah et de leurs descendants écrivant sur la post-mémoire (tels Charlotte Delbo et Cécile Wajsbrot).

Dans un premier temps, m’appuyant sur les travaux de Michael Rothberg sur la mémoire multidirectionnelle, ainsi que sur ceux de Cathy Caruth sur le traumatisme historique, j’explorerai la façon dont Goldorak s’insère dans un contexte de Guerre Froide tout comme d’autres dessins animés qui lui sont contemporains (par exemple, Charlotte aux fraises et Le Tombeau des Lucioles), afin de mettre en évidence les parallèles établis entre plusieurs traumatismes historiques (Holocauste, guerre nucléaire…) dans une perspective productive et transnationale/transhistorique plutôt que comparatiste/compétitive, où Euphor apparaît à la fois comme métaphore d’Hiroshima et d’Auschwitz. Puis, cette étude se concentrera tout particulièrement sur la figure du double et du spectre (notamment dans l’épisode « Les Amoureux d’Euphor »), afin de démontrer comment Goldorak utilise des techniques propres aux récits génocidaires dans sa représentation de ce « nom hors nomination » dont parlait Maurice Blanchot à propos de la Shoah, s’inscrivant ainsi dans une intertextualité avec, entre autres, la trilogie Auschwitz et après de Charlotte Delbo tout en subvertissant par ce biais les codes du genre (au double sens du terme) par un dépassement du discours victimaire passif.

 

 

Peut-on retrouver le passé ? Goldorak ou l’anagnorisis tragique

Sarah Hatchuel, Université du Havre

 

Goldorak s’ouvre sur le refus de la répétition du passé. Actarus, réfugié sur Terre après l’éradication nucléaire de sa planète Euphor par les forces de Véga, ne veut pas que l’horreur se reproduise sur la « planète bleue ». Dans le même temps, le passé est l’objet récurrent des pensées d’Actarus. Entre nostalgie des moments euphoriques et édéniques avant l’attaque et rappel traumatique du moment où tout a basculé, les rêves et les flashbacks usent de l’image fixe, souvent crayonnée et stylisée, pour refléter la prégnance d’un passé à la fois ineffaçable et indicible. Ce passé omniprésent est pourtant distillé par petites bribes aux spectateurs : ce n’est qu’au fil de la saga que nous découvrons l’histoire d’Actarus, ses attaches familiales, amicales et amoureuses. Ce dévoilement s’opère par le biais d’un procédé dramatique classique : l’anagnorisis – en narratologie post-aristotélicienne, le moment où un personnage est enfin identifié et reconnu par un parent, un conjoint ou un proche. Si l’anagnorisis pourrait être un moment de joie intense, Goldorak traite ces retrouvailles de manière tragique. A la seule exception des retrouvailles frère/sœur, la tentative de se reconnecter au passé et de remonter symboliquement le temps échoue : elle est au mieux illusoire, au pire mortifère. « La personne que tu as connue est morte », dit Cyrus à Phénicia, puis Actarus à Végalia. En étudiant l'anagnorisis dans Goldorak, cette communication tentera de montrer comment l’anime intègre à sa structure l’idée même qu’il sera revu par des enfants devenus adultes, qui tenteront de retrouver les joies et les impressions de leur enfance. L’anime demande peut-être à ce qu’on le regarde à nouveau non pour tenter de retrouver nostalgiquement les sensations à jamais perdues du premier visionnage, mais pour entretenir la mémoire du temps à travers des phénomènes d’écho, de répétition et de réappropriation, mesurer l’écart entre notre regard d’enfant et notre regard d’adulte et appréhender ainsi, pleinement, le parcours de nos vies.

 

 

Les Aventures de Goldorak à la télévision française, entre remontage et glissement générique

Marie Pruvost-Delaspre, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle

 

Il est commun de considérer que les séries japonaises importées dans les années 1980 se trouvent grandement modifiées et remontées par les chaînes françaises avant leur diffusion. Néanmoins, rare sont les travaux qui se sont confrontés à la réalité de ces interventions dans la matière filmique, à travers un examen systématique des versions japonaise et française. À partir d’une telle étude menée sur Goldorak, on constate, plus qu’un remontage systématique, un effet d’obscurcissement de la narration originale par des opérations formelles qu’il s’agirait de détailler. Ainsi, il semble que l’inquiétude liée à la diffusion de la série ne découle pas tant de sa violence intrinsèque – Jean-Marie Bouissou remarque qu’elle est au contraire bien sage, au vu d’autres productions de Go Nagai – mais bien parce que la version française opère un glissement générique, qui tente de faire passer la série de son registre dramatique d’origine vers la comédie. Cette redéfinition amène à s’interroger sur les conditions d’importation et d’adaptation des produits culturels japonais, mais aussi dans le même temps à questionner les enjeux politiques et institutionnels de tels choix, ainsi que leur impact sur la série elle-même.

 

 

Goldorak et la presse : du phénomène de société au produit culturel

Bounthavy Suvilay, Université Montpellier Paul-Valéry

 

A travers l’étude de la presse depuis la première diffusion de l’animé jusqu’à nos jours, il s’agit de montrer de quelle manière Goldorak est passé du statut de phénomène de société à celui de patrimoine culturel pour une génération ayant grandie avec cette série. Le corpus comprend à la fois des produits liés à la série vendus en kiosque, des articles de la presse généraliste (magazines et quotidiens nationaux) et de la presse spécialisée qui s’est développée au fil des ans pour modifier le regard du public sur cette série. Celle-ci est l’un des premiers exemples de convergence des médias en France puisqu’il existe à côté des productions officielles (souvent élaborées par les producteurs français sans que les ayant droits japonais soient au courant) des productions de fans qui infléchissent le regard porté sur la série (par le biais de fanzines devenant ensuite des magazines). Après une première phase où l’engouement des enfants suscite la curiosité des journalistes, une seconde période plus longue insiste sur la violence des dessins animés japonais dont Goldorak serait un exemple canonique. Progressivement, à mesure que le manga et les animés sont légitimés par les institutions, la série est traitée comme un objet culturel.

 

 

 

 

 

 

 

Ancre 1
Ancre 2
Ancre 3
Ancre 4
Ancre 5
Ancre 6
Ancre 7
Ancre 8
bottom of page